Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/456

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que Clodius avait été massacré de sang-froid. Lorsque parut Fulvia, la veuve de Clodius, l’émotion redoubla ; ses larmes et le spectacle de sa douleur touchèrent les assistants. La séance levée, le tribun du peuple T. Munatius Plancus harangua la foule, engagea les citoyens à venir le lendemain en grand nombre sur la place publique pour s’opposer à l’acquittement de Milon, et il leur recommanda de bien manifester aux juges leur opinion et leur douleur, lorsqu’il s’agirait de voter.

Le 6 des ides d’avril, les boutiques étaient fermées ; des postes gardaient les issues du Forum par ordre de Pompée, qui, lui-même, avec une réserve considérable, s’établit au Trésor. Après le tirage des juges, l’aîné des Appius, M. Antonius et P. Valerius Nepos, soutinrent l’accusation. Cicéron seul répondit. On lui avait conseillé de présenter le meurtre de Clodius comme un service rendu à la République ; mais il repoussa ce moyen, quoique Caton eût osé déclarer en plein sénat que Milon avait fait acte de bon citoyen[1]. Il préféra s’appuyer sur le droit de légitime défense. À peine avait-il pris la parole, que les cris, les interruptions des partisans de Clodius lui firent éprouver une émotion dont son discours se ressentit ; les soldats furent obligés de faire usage de leurs armes[2]. Les cris des blessés, la vue du sang, ôtaient à Cicéron sa présence d’esprit ; il tremblait et s’interrompait souvent. Son plaidoyer fut loin d’être à la hauteur de son talent. Milon, condamné, s’exila à Marseille. Dans la suite, Cicéron composa à loisir la magnifique harangue que nous connaissons, et l’envoya à son malheureux client, qui lui répondit : « Si tu avais dit autrefois

  1. Velleius Paterculus, II, xlvii.
  2. Tout ce récit est extrait de l’argument d’Asconius servant d’introduction à son Commentaire sur le Discours pour Milon. (Voy. édition Orelli, p. 41, 42.) – Dion-Cassius, XL, liii.