Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/470

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fication moderne. Grâce à tant de travaux, mais grâce aussi à l’insuffisance des armes de jet de l’époque, nous voyons une armée assiégeante, égale en nombre à l’armée assiégée, trois fois moins forte que l’armée de secours, résister à trois attaques simultanées et finir par vaincre tant d’ennemis assemblés contre elle. Chose remarquable ! César, au jour suprême de la lutte, renfermé dans ses lignes, est devenu pour ainsi dire l’assiégé, et, comme tous les assiégés victorieux, c’est par une sortie qu’il triomphe. Les Gaulois ont presque forcé les retranchements sur un point ; mais Labienus, par ordre de César, débouche hors de ses lignes, attaque l’ennemi à l’épée et le met en fuite : la cavalerie achève la victoire.

Ce siège, si mémorable sous le point de vue militaire, l’est bien plus encore sous le point de vue historique. Auprès du coteau, si aride aujourd’hui, du mont Auxois, se sont décidées les destinées du monde. Dans ces plaines fertiles, sur ces collines maintenant silencieuses, près de 400 000 hommes se sont entre-choqués, les uns par esprit de conquête, les autres par esprit d’indépendance ; mais aucun d’eux n’avait la conscience de l’œuvre que le destin lui faisait accomplir. La cause de la civilisation tout entière était en jeu.

La défaite de César eût arrêté pour longtemps la marche de la domination romaine, de cette domination qui, à travers des flots de sang, il est vrai conduisait les peuples à un meilleur avenir. Les Gaulois, ivres de leur succès, auraient appelé à leur aide tous ces peuples nomades qui cherchaient le soleil pour se créer une patrie, et tous ensemble se seraient précipités sur l’Italie ; ce foyer des lumières, destiné à éclairer les peuples, aurait alors été détruit avant d’avoir pu développer sa force d’expansion. Rome, de son côté, eût perdu le seul chef capable d’arrêter sa décadence, de reconstituer la République, et de lui léguer, en mourant, trois siècles d’existence.