Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/506

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sailli à la nouvelle de sa maladie et fêté sa guérison à l’égal d’un triomphe. L’armée des Gaules, lui disait-on, était prête à répondre à son appel.

Avec moins d’aveuglement, Pompée eût discerné la véritable raison de l’enthousiasme dont il avait été l’objet. Il eût compris que cet enthousiasme s’adressait bien moins à sa personne qu’au dépositaire d’une autorité qui semblait alors seule capable de sauver la République ; il eût compris que, du jour où se produirait un autre général dans les mêmes conditions que lui de renommée et de pouvoir, le peuple, dans son admirable discernement, se rangerait aussitôt du côté de celui qui s’identifierait le mieux avec ses intérêts.

Pour se rendre un compte fidèle de l’opinion publique, il eût fallu, chose difficile au chef de la cause aristocratique, ne pas s’en tenir uniquement au jugement du monde officiel, mais interroger les sentiments de ceux que leur position rapprochait le plus du peuple. Au lieu de croire aux rapports d’Appius Claudius, et de compter sur le mécontentement de quelques lieutenants de César qui, comme Labienus, montraient déjà des tendances hostiles, Pompée aurait dû méditer sur cette exclamation d’un centurion, qui, placé à la porte du sénat lorsque cette assemblée rejetait les justes réclamations du vainqueur des Gaules, s’écria en mettant la main sur son épée : « Celle-ci lui donnera ce qu’il demande[1]. »

C’est que, dans les troubles civils, chaque classe de la société devine, comme par instinct, la cause qui répond à ses aspirations, et se sent attirée vers elle par une secrète affinité. Les hommes nés dans les classes supérieures, ou élevés à leur niveau par les honneurs et les richesses, sont toujours entraînés vers les causes aristocratiques, tandis que

  1. Plutarque, César, xxxiii.