Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/508

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César doit-il être remplacé dans sa province ? Il pressa le sénat de voter. Les sénateurs s’étant formés en deux groupes dans la curie, l’immense majorité se déclara pour l’affirmative. La même majorité se prononça pour la négative à une seconde question de Marcellus : Pompée doit-il être remplacé ? Mais Curion, reprenant les arguments qu’il avait déjà fait valoir tant de fois sur le danger de favoriser Pompée aux dépens de César, exigea la mise aux voix d’une troisième question : Pompée et César devront-ils désarmer tous les deux ? À la surprise du consul, cette proposition inattendue passa à la majorité de trois cent soixante et dix voix contre vingt-deux ; alors Marcellus congédia le sénat en disant avec amertume : « Vous l’emportez ! vous aurez César pour maître[1]. » Il ne croyait pas si bien prédire l’avenir. Ainsi la presque unanimité de l’assemblée avait donné, par son vote, raison à Curion, qui n’était, dans cette circonstance, que le représentant de César, et, si Pompée et son parti se fussent soumis à cette décision, la lutte que les honnêtes gens redoutaient n’aurait plus eu de prétexte : César et Pompée seraient rentrés dans la condition commune, chacun avec ses partisans et sa renommée, mais sans armée et par conséquent sans moyen de troubler la République.


Mesures violentes adoptées contre César.

V. Ce n’était pas l’affaire de ces hommes impatients, qui abritaient leurs petites passions sous les grands mots de salut public et de liberté. Pour détruire l’effet de ce vote du sénat, on fit courir dans Rome le bruit de l’entrée de César en Italie ; Marcellus demanda qu’on levât des troupes et qu’on fit venir de Capoue, où elles tenaient garnison, les deux légions destinées à la guerre d’Orient. Curion protesta contre la fausseté de cette nouvelle et intercéda, en sa qualité de tribun, pour s’opposer à tout armement extraordi-

  1. Appien, Guerres civiles, II, xxx. — Cicéron, Lettres à Atticus, VII, iv.