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Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/510

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État de l’opinion publique.

VI. La lettre suivante, de M. Cœlius à Cicéron, fait connaître quel était le jugement des Romains impartiaux sur la situation politique, en septembre 704.

« Plus nous approchons de la lutte inévitable, plus on est frappé de la grandeur du péril. Voici le terrain où vont se heurter les deux puissants du jour. Cn. Pompée est décidé à ne pas souffrir que César soit consul avant d’avoir remis son armée et ses provinces, et César se persuade qu’il n’y a pour lui de salut qu’en gardant son armée ; il consent toutefois, si la condition de quitter le commandement devient réciproque. Ainsi ces effusions de tendresse et cette alliance tant redoutée aboutiront non pas à une animosité occulte, mais à une guerre ouverte. Pour ce qui me touche, je ne sais guère quel parti prendre dans cette conjoncture, et je ne doute pas que cette perplexité ne nous soit commune. Dans l’un des partis, j’ai des obligations de reconnaissance et des amitiés ; dans l’autre, c’est la cause et non les hommes que je hais. Mes principes, que vous partagez sans doute, sont ceux-ci : dans les dissensions intérieures, tant que les choses se passent entre citoyens sans armes, préférer le plus honnête parti ; mais, quand la guerre éclate et que deux camps sont en présence, se mettre avec le plus fort, chercher la raison là où se trouve la sûreté. Or que vois-je ici ? D’un côté, Pompée avec le sénat et la magistrature ; de l’autre, César avec tout ce qui a quelque chose à craindre ou à convoiter. Nulle comparaison possible quant aux armées. Plaise aux dieux qu’on nous laisse le temps de peser les forces respectives et de faire notre choix[1] ! » Cœlius ne fut pas longtemps à faire le sien : il embrassa le parti de César[2].

  1. Cœlius à Cicéron, Lettres familières, VIII, xiv.
  2. Cicéron, Lettres à Atticus, VII, iii.