Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/511

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Cette appréciation d’un contemporain était certainement partagée par un grand nombre de personnes qui, sans convictions bien arrêtées, étaient prêtes à se ranger du côté du plus fort. Cicéron, qui revenait en Italie[1], avait la même tendance ; toutefois il éprouvait un extrême embarras. Non-seulement il était lié avec les deux adversaires, mais César lui avait prêté une somme considérable, et cette dette lui pesait comme un remords[2]. Après avoir ardemment désiré quitter son commandement par crainte de la guerre contre les Parthes, il allait tomber au milieu des préparatifs d’une guerre civile bien autrement dangereuse. Aussi, lorsque, arrivé en Grèce, il crut, sur de faux bruits, que César avait fait pénétrer quatre légions dans Plaisance, sa première pensée fut de s’enfermer dans la citadelle d’Athènes[3]. Quand enfin il fut de retour en Italie, il se félicita d’être en instance pour obtenir les honneurs du triomphe, parce qu’alors l’obligation de rester hors de Rome le dispensait de se prononcer entre les deux rivaux.

  1. Cicéron débarqua à Brindes le 7 des calendes de décembre 704. (Cicéron, Lettres à Atticus, VII, ii.)
  2. « Je reçois de César des lettres flatteuses ; Balbus m’en écrit tout autant de sa part. Je suis bien résolu à ne pas m’écarter d’un doigt du chemin de l’honneur ; mais vous savez si je suis encore en reste avec César. Pensez-vous que j’aie à craindre qu’on ne me reproche ma dette, si j’opine pour lui seulement en douceur, et, si je me roidis, qu’on ne me la réclame tout haut ? Que faire ? Le payer, me direz-vous. Eh bien ! j’emprunterai à Cœlius. Pensez-y pourtant, je vous prie ; car je m’attends bien que, s’il m’arrive de parler avec fermeté dans le sénat, votre bon ami de Tartessus viendra aussitôt me dire : « Payez donc ce que vous devez. » (Année 704, 9 décembre. Cicéron, Lettres à Atticus, VII, iii.)
  3. « Qu’allons-nous devenir ? J’ai bien envie de m’enfermer dans la citadelle d’Athènes, d’où je vous écris. » (Année 704. Lettres à Atticus, VI, ix.) — « Aussi, laissant aux fous l’initiative de la parole, je crois que je ferai bien de travailler à obtenir ce triomphe, ne fût-ce que pour avoir une raison de ne pas être dans Rome ; mais on saura bien trouver le moyen de venir m’arracher mon opinion. Vous allez vous moquer de moi. Que je voudrais être resté dans ma province ! » (Lettres à Atticus, VII, i.)