Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/512

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Il tenait par-dessus tout au triomphe, et, dans ses lettres, il pressait les grands personnages d’y faire consentir le sénat ; mais Caton trouvait, comme beaucoup d’autres, que les exploits du proconsul en Cilicie ne méritaient point tant d’honneur, et il lui avait refusé de l’appuyer, tout en donnant force éloges à son caractère. César, moins rigide sur les principes, n’oubliant rien de ce qui pouvait flatter l’amour-propre des hommes importants, avait écrit à Cicéron pour lui promettre son concours et blâmer la sévérité de Caton[1].

Cependant le célèbre orateur ne se faisait pas illusion sur les ressources des deux partis. Lorsqu’il s’entretenant avec Pompée, l’assurance de cet homme de guerre le tranquillisait ; mais, livré à ses propres méditations, il voyait bien que toutes les chances étaient du côté de César.

« Aujourd’hui, écrivait-il, César se trouve à la tête de onze légions (il oubliait les deux légions données à Pompée), sans compter la cavalerie, dont il aura tant qu’il voudra ; il a pour lui les villes transpadanes, la populace de Rome, l’ordre entier des chevaliers, presque tous les tribuns, tout ce qu’il y a de jeunesse désordonnée, l’ascendant de son nom glorieux, son audace extrême. Voilà l’homme qu’il faut combattre[2]. Il ne manque à ce parti qu’une bonne cause ; le reste y abonde. Ainsi il n’y a rien qu’on ne doive faire plutôt que d’en venir à la guerre ; le

  1. « Il a témoigné, ce que je ne lui demandais pas, de mon intégrité, de mon équité, de ma douceur, et il m’a refusé ce que j’attendais de lui. Aussi il faut voir comme César, dans la lettre où il me félicite et me promet tout, sait bien se prévaloir de cette abominable ingratitude de Caton ! Mais ce même Caton a fait accorder vingt jours à Bibulus : passez-moi d’être rancunier ; c’est là une chose que je ne puis souffrir et que je ne lui pardonnerai jamais. » (Année 704, novembre. Cicéron, Lettres à Atticus, VII, ii.)
  2. Année 704, décembre. Cicéron, Lettres à Atticus, VII, vii. — Les mots ordre entier des chevaliers ne sont point dans le texte, mais cela ressort de ce que dit Cicéron dans la même lettre.