Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/182

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à Camus et que Tintin, avec sept ou huit autres, s’apprêtait « à leur paumer la gueule », ils n’avaient reçu que quelques inoffensifs projectiles et on ne put jamais obtenir le corps à corps qui eût permis de les frotter et laver comme on le souhaitait si ardemment.

On avait bien pensé quelquefois à leur chercher noise et à les contraindre au combat individuel. Mais ils ne se séparaient pas, et, dès que l’un d’eux se trouvait être aux prises avec un adversaire, l’autre, sous le spécieux prétexte que les autorités ne toléraient pas de batailles, filait immédiatement, et selon le cas, prévenir l’instituteur, le curé, le garde champêtre ou toute autre puissance dont l’intervention, toujours redoutable, se manifestait par l’écopage du champion de la justice enfantine envers et malgré les témoignages unanimes des camarades.

Les parents eux-mêmes prenaient fait et cause contre leurs rejetons, ne voulant point mécontenter le Granger, un homme serviable qui, lorsqu’on avait pour une huitaine ou une quinzaine de jours, besoin d’un billet de cent francs vous l’avançait généreusement, sans intérêts, mais vous demandait bonnement en échange et quand on n’y pensait plus, en pleins foins ou en pleine moisson un petit charroi qui, vu le temps, valait bien sept ou huit francs et qu’on n’osait guère lui refuser.