Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/190

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et d’un bras osseux les rideaux sombres aux plis épais qui entouraient la tête du lit et mettaient entre les choses et ses yeux leur tenture ténébreuse, le vieux s’étira et bâilla.

D’un coup d’œil machinal il interrogea le cadran : six heures ; c’était le moment. Sa femme, elle, était déjà levée. Jeune et alerte, tous les matins avant le lever du soleil elle sortait des draps et, pendant que son époux reposait encore, elle vaquait silencieusement aux premiers soins de la maison de ferme, c’est-à-dire allumait le feu, préparait le lécher des bêtes et trayait ses vaches.

Dans la tiède torpeur du réveil le père Jourgeot savoura ce délicieux engourdissement qui est comme la prise de conscience des bons sommeils réparateurs et des nuits tranquilles ; puis, bien réveillé, il goûta la sérénité de ceux qui voient avec confiance les jours se suivre, assuré qu’il était d’une matinée sans souci et d’un avenir sans nuages.

Sa Julie ? Quelle brave femme, et que vaillante à la besogne ! C’était elle qui assumait dans la maison les travaux de l’homme que sa vieillesse lui eût rendus difficiles. Combien de ménagères auraient, d’elles-mêmes, pris cette initiative généreuse ! Il en sourit dans sa barbe et, une fois de plus, se félicita de sa chance.

Avait-il assez hésité ! Avait-il été assez bête !