Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/205

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leva une planche, recouvrit le trou avec de la paille et disposa en équilibre au bord de cette trappe un énorme sac contenant plus de six doubles de blé.

À l’instant même où sa femme arrivait à l’écurie le lendemain matin, lui, par un trajet détourné, montait à la grange, se postait à côté du sac et attendait.

La souricière était bien tendue ; au moment où ils y penseraient le moins, quand les petits râles de volupté lui annonceraient l’ensemencement final, il ferait choir de quatre mètres de haut sur les reins et le derrière du mâle ce poids formidable, par lequel il coopérerait lui aussi, à sa manière, à la fécondation de la Julie.

Comment prouver qu’il aurait fait le coup ? L’impunité lui était acquise : il nierait ; d’ailleurs personne ne l’accuserait et si quelques-uns, au fond, se doutaient de la chose, devant une mise en scène si bien combinée, ils ne pourraient s’empêcher de dire :

— Ce Jourgeot, hein, on ne le roule pas comme ça ! Quel vieux roublard !

Mais le moment arrivé, pas plus que les jours précédents, il ne put se résigner à pousser le sac.

La bouillie de chair et de sang qu’il entrevit en image l’épouvanta, d’autant que sa femme, la garce, lui était chère malgré tout. De plus, il avait fini