Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/233

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ne paraissait pas plus se soucier de lui que s’il n’eût pas existé et, dans le groupe acharné des discoureurs, il avait plutôt d’air de chercher à excuser Le Rouge.

— Sait-on jamais ? disait-il. D’abord, tant que le médecin ne se sera pas prononcé, on ne peut rien dire. Vous devriez pourtant savoir qu’il y a des enfants naturellement vicieux et cette gamine-là, — je ne suis pas un aveugle et je m’y connais — vous a des yeux à la perdition de son âme.

Mais on contrecarrait le père Louchon, on l’engueulait même, on gesticulait, on vociférait, on vouait Le Rouge aux pires supplices, puis on se rapprochait pour confabuler à voix basse après avoir écarté rudement les gosses qui s’approchaient pour écouter.

Certains mots pourtant revenaient, qu’ils ne pouvaient pas ne pas entendre : bagne, chaînes, boulets, fièvres, Biribi, Cayenne, La Nouvelle. Leurs syllabes sonnaient ainsi que des coups de trompettes, éclatant dans la rumeur brumeuse des phrases assourdies comme des éclairs au cœur d’un nuage et se fixaient en traits ineffaçables dans les oreilles et dans les cervelles enfantines.

Mimile se sentait plus gêné encore. Il était tantôt rouge et tantôt pâle, tantôt brûlant et tantôt glacé. La tête lui faisait mal ; une fatigue sournoise engourdissait ses jambes, ses jarrets étaient douloureux, le cou lui semblait raide et