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Il s’enquit auprès de Fernande, qui lui répondit innocemment :

— Je ne sais pas ce que le patron veut dire ! Il m’a demandé la même chose à moi.

M. et Mme Benoît déjeunèrent en tête-à-tête, assis sagement en face l’un de l’autre dans la salle à manger.

Juliette, qui avait passé la nuit sans dormir, fit montre d’un bel appétit, ce qui fit dire à son mari :

— Je vois, avec plaisir, que vous allez mieux !

(Devant les domestiques, il avait jugé qu’il était préférable de reprendre le vous).

— Oui… un peu, répondit Juliette.

— Si vous voulez, nous ferons une promenade en forêt, dès que mon chauffeur sera arrivé.

Le chauffeur, en effet, avait reconduit la veille au soir M. et Mme Arnaud, ce qui expliquait qu’il n’ait pas passé la nuit à Fontainebleau.

— J’aurais préféré me reposer dans le parc, mais je ne veux pas vous refuser ce plaisir.

— Nous ne nous fatiguerons pas, vous verrez, nous nous arrêterons seulement un peu pour nous asseoir dans l’herbe.

Ce plaisir simple et champêtre souriait peu à Juliette, qui craignait que son mari n’en profitât pour lui faire regarder la feuille à l’envers.

Mais elle ne voulait pas le contrarier.

Et puis, elle comptait sur un évènement nouveau qui dérangerait le programme de M. Prosper Benoît.

Cet évènement nouveau, espéré par la jeune femme, et imprévu par son mari, se produisit en effet.

Sur le coup de trois heures de l’après-midi, un télégramme arriva à l’adresse de M. Prosper Benoît.

En le lisant, celui-ci parut très désappointé.

— Qui donc vous télégraphie ? demanda Juliette,

— Le ministre… Tenez… Lisez…

Et Prosper tendit la dépêche à sa femme, qui lut, en manifestant la plus vive contrariété, elle aussi :

« Venez d’urgence à Paris. Désolé vous déranger, mais ministre a besoin vous pour affaire plus haute importance. »

Le télégramme était signé :

Bourdon.

— Bourdon ! N’est-ce pas le directeur du cabinet ?

Question que Juliette n’avait nul besoin de poser, car elle ignorait si peu le nom du haut fonctionnaire dont il s’agissait que c’était elle-même qui l’avait révélé à Léontine afin qu’elle pût s’en servir pour rappeler son mari à Paris.

— C’est bien lui, en effet, répondit Benoît.