— Tu sais, la première fois la nuit de son mariage, on est toujours étonnée…
— Je comprends. Mais il ne s’agit pas de cela.
« Il avait soi-disant des hallucinations… Il croyait coucher avec une autre femme !
— Ce n’est pas possible ?
— Si, Maman !…
— Et il te l’a dit ?
— Oui, Maman !
— C’est un homme sans morale.
— Oui, Maman !…
— Cependant, il a rempli son devoir… ?
— Heu !… Oui… Si on veut !
— Il ne t’a pas aimée ?
— Si… Si… mais enfin, tu sais, il n’y avait rien de trop…
— Comment as-tu pu juger ?
— Oh ! Maman… J’ai bien deviné, tu sais… rien qu’à la manière…
« Enfin, ce n’est pas tout ça. Nous perdons notre temps à causer de bagatelles, et je ne te dis pas le principal.
— Qu’est-ce donc, le principal ?
— Crois-tu qu’il a eu le toupet de se faire adresser aujourd’hui même une dépêche l’appelant d’urgence au ministère…
— C’était peut-être vrai ?
— Penses-tu que c’était vrai…
« Tiens, lis un peu ça pour voir :
Et Juliette tendit à sa mère une lettre sur laquelle Mme Arnaud put lire :
« Cette lettre vous sera remise par une personne dévouée à laquelle vous ne demanderez pas de vous révéler sa personnalité. Qu’il vous suffise de savoir que c’est une amie.
« Lorsque vous recevrez ce mot, votre mari sera probablement parti déjà pour Paris, appelé par un télégramme de son ministre.
« N’en croyez rien.
« Il sera allé retrouver sa maîtresse, Mme Léontine Violet, 315, rue des Batignolles.
« C’est d’accord avec elle que le télégramme a été expédié à M. Benoît.
« Il était entendu d’avance qu’ils devaient se retrouver dès le lendemain du mariage, car Mme Violet n’a permis à son amant de vous épouser qu’à la condition qu’elle resterait son amie.
— Qu’est-ce que tu dis de ça, Maman ?
— Mais comment cette lettre t’est-elle parvenue ?