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Page:Louise Drevet - en diligence de Briançon à Grenoble, 1879.djvu/10

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récit que sur le livre de route de la voiture et dont je ne tracerai pas le portrait, car ce portrait ne pourrait être qu’énormément flatté.

Et enfin par une dame, femme d’officier précédant son mari dans sa nouvelle garnison.

Celle-ci, la dernière arrivée, croit qu’il en est des intérieurs de diligence comme du royaume du ciel, où les derniers venus sont les mieux placés. La pauvre femme a choisi dans sa garde-robe pour faire ce voyage tout ce que sa réserve de jupes, pardessus et chapeaux a pu lui fournir de plus antique et de plus rococo ; ce qui lui donne un aspect absolument indescriptible et la fait ressembler à la figurine d’une de ces anciennes gravures de modes que l’on ne peut regarder sans rire, bien qu’au temps de leur apparition elles ne fussent pas plus risibles que celles déclarées charmantes aujourd’hui par les élégantes.

Pas d’âge, mais sur ses traits, étirés par l’ennui, une expression de bonheur inénarrable. Elle se case tant bien que mal, elle et ses innombrables petits paquets.

À peine assise, elle interpelle le conducteur, dont elle sait le petit nom :

— Félix, les petits sont-ils bien ? La bâche les couvre-t-elle assez ? Félix, je vous les confie, veillez bien à ce qu’ils ne tombent pas… ils sont si étourdis !

Quand elle fut enfin installée, grâce au tassement qu’opérèrent les premiers tours de roue, elle poussa un immense soupir.