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Page:Louise Drevet - en diligence de Briançon à Grenoble, 1879.djvu/20

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fait concéder au premier étage ; elle s’y faisait servir ses repas, elle y écrivait ses Mémoires, elle y dormait, et nous ne la vîmes pas une seule fois durant le séjour forcé que nous fîmes sur la montagne.

« Un grand homme a dit : « Ventre affamé n’a pas d’oreilles. » J’ajouterai qu’il n’a pas non plus de conscience, car je ne me fis nul scrupule d’écouter la conversation de Michel Létraz, le guide de miss Templeton avec notre hôtesse, conversation dans laquelle le conducteur de la diligence fut appelé en tiers, parce que à lui appartenait de décider le cas en litige. Un de mes compagnons, je ne sais plus lequel, emportait des Alpes un chamois superbe qu’il destinait au repas de noces de sa sœur. Ce chamois, encore habillé de sa chaude fourrure, dormait pour le moment son dernier sommeil dans un coin mystérieux de l’impériale de la diligence, restée en arrêt sous la remise. Et nous n’en savions rien ! Et son propriétaire, n’avait rien dit ! Peut-être même tremblait-il que nous ne découvrissions le trésor de nourriture que nous promettait ce superbe animal.

« Michel Létraz était en train de négocier l'achat de tout ou partie d'un cuissot de la bête pour ne point laisser miss Templeton manquer de biffteack, lorsque je parus. Mon intervention ne fut pas accueillie avec beaucoup d'enthousiasme, mais enfin on ne pouvait pas laisser mourir d'inanition de braves gens dont la dernière heure n'avait pas sonné. Le propriétaire du chamois, appelé, fut bien obligé de consentir au dépè-