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Page:Louise Drevet - en diligence de Briançon à Grenoble, 1879.djvu/27

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bonnes et vaillantes bêtes ; mais la sixième c’est, tenez, c’est… une mule, emportée, rétive, répondant par des coups de pieds aux bonnes paroles ; je l’appelais l’Allemande, à cause de ça ; mais forte, dure au travail, mangeant peu, bûchant fort, ce qui fait que je l’estimais tout de même.

« Nous avancions lentement, car le gel avait fait du chemin une vraie glissoire. La neige tombait, et je me pressais, parce que la nuit arrivait et que le froid était raide ; un temps de loup, quoi !

« De loup, en effet, comme vous allez voir. Nous venions de passer au-dessus de l’endroit où était autrefois le raccourci qui va à la Cristallière, quand je vois apparaître toute une bande de ces affamés. Les yeux sanglants, la gueule béante, soufflant comme des buffles, ils se mirent à me suivre, moi et mes bêtes, dans l’espoir de faire butin, soit avec moi, soit avec mes bêtes, soit même avec moi et mes bêtes.

« Cette compagnie ne me plaisait guère. Cependant, je me disais : — Si tu perds la tête, c’est fini ! Tu ne peux pas lutter contre toute cette vermine ; il faut faire la part du feu !

« Naturellement, je ne vais pas me sacrifier pour sauver mes mules, mais je peux sacrifier une de mes mules pour me sauver. Laquelle ? Mon choix n’est pas long. C’est la bête hargneuse qui tire a hue quand on veut la faire aller à dia et qui me montre plus souvent qu’il faut l’envers de son sabot.

« Sitôt pensé, sitôt fait ! L’Allemande, tu vas y