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Page:Louise Drevet - en diligence de Briançon à Grenoble, 1879.djvu/29

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« Tout en me tenant ces propos et d’autres, j’approchai du lieu du carnage. Le cœur me battait encore de la grande émotion de la veille. J’étais pressé et j’avais peur d’arriver tout à la fois. Le Grand-Ribot n’était plus qu’à l’autre contour du chemin quand, soudain, un hennissement que je reconnais me secoue tout l’être. Je hâte le pas. C’est là… oui… c’est là que, hier au soir, j’ai été forcé, pour sauver ma propre vie, de laisser l’Allemande sans défense au milieu des loups dévorants. Mais qu’aperçois-je ? C’est elle, oui, c’est elle, saine, sauve et animée, piétinant à plaisir sur les corps inanimés de six loups occis par ses terribles ruades, qui m’a flairé de loin et qui m’appelle. Qui fut content ? l’homme. Qui le fut plus encore ? la bête quand je l’eus détachée et ramenée en triomphe à son écurie où une triple ration d’avoine réconforta la brave combattante. Depuis lors, l’Allemande n’est pas devenue moins rétive, mais en récompense de sa bonne défense, je l’appelle la Victorieuse et je ne la céderais pas pour son poids d’or… »

— Hum ! son poids d’or, c’est beaucoup dire, Genevois, mais c’est manière de parler.

— Ainsi, dit la dame que nous croyons tous endormie du grand sommeil qu’elle avait dit l’accabler, et qui, au contraire, n’avait pas perdu un mot du récit de Genevois, il y a des loups tant que cela dans ce pays ? Mais c’est à donner la chair de poule ! S’attaquent-ils aux gens comme aux bêtes ?

— Oh ! rassurez-vous, Madame, dit le conducteur,