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Page:Louise Drevet - en diligence de Briançon à Grenoble, 1879.djvu/31

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— Que Dieu ait son âme, puisque la terre a son corps, dit le conducteur. Il a payé sa dette, nous devons… Et son fils, qu’est-il devenu ?

— Peuh ! il a mal tourné.

— Pas possible ! C’était pourtant un brave garçon, incapable de causer de la peine à une mouche.

— Eh bien ! oui ; ça ne l’a pas empêché de se faire gendarme. Il est par là-bas du côté de la Loire ; il s’est marié. On dit même qu’il est déjà brigadier.

— À propos de brigadier, vous rappelez-vous, Genevois, ces deux voyageurs que je pris un jour sur la route où ils m’attendaient au passage ? Selon vous, c’étaient des gens qui ne vous semblaient pas en règle avec la justice, si pressés ils paraissaient de se faire faire une place dans un coin bien caché de l'impériale. Vous étiez joliment loin de compte, mon cher.

— Qui étaient-ce donc ? des officiers, des seigneurs ? questionna Genevois un peu goguenard.

— Mieux que ça ! Et tenez, pour ne pas vous faire languir, je vous dirai tout de suite ce qu’il en était. Ces voyageurs étaient le roi de Piémont et un guide qui ne le quitte pas dans ses chasses. Je l’avais reconnu, le roi, mais je n’avais rien dit, parce que je pensais bien qu’il aurait été contrarié si j’avais mis son nom sur ma feuille, vu qu’il voyageait comme on dit tout ce qu’il y a de plus incognito. Ça en aurait fait une affaire d’État, si on avait su qu’un monarque se hissait ainsi sans façon sur l’impériale de ma diligence. Victor-Emmanuel, vous savez, c’était pour la