Aller au contenu

Page:Louise Drevet - en diligence de Briançon à Grenoble, 1879.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 34 —

Le jeune magistrat sourit.

— C’est à moi, en effet, que l’aventure est arrivée, reprit-il, et comme elle a eu d’autres témoins que moi, ils pourront se porter garants de ma parole. Pas plus tard qu’à mon voyage de prise de poste, il y a un peu moins de deux ans ; c’était en juin et en plein midi. Le Lautaret, que Monsieur nous a dépeint sous la neige, était à perte de vue un tapis des fleurs les plus éclatantes et les plus odoriférantes. Le temps était splendide. Poésie partout. Pour compagnie de voyage, j’avais une famille de Briançon établie à Marseille dans les denrées coloniales. Cette famille, composée de la mère, de deux fils encore jeunes et de trois jeunes filles, celles-ci charmantes, venait passer l’été dans une belle propriété qu’elle possède aux environs de la ville. Nous causions presque familièrement, et, ce qui est certain, de choses gaies comme le temps ; tout à coup le silence se mit dans la voiture qui, un instant auparavant, pouvait être comparée à une volière pleine d’oiseaux.

Un coup de sifflet aigu, strident, avait traversé nos oreilles ; les enfants se regardaient avec inquiétude ; un second coup de sifflet changea cette inquiétude en terreur, car des cris dont nous ne pouvions démêler la nature succédaient aux coups de sifflet.

Les chevaux s’étaient arrêtés d’eux-mêmes, le conducteur et le postillon étaient descendus de leur siège. Le désarroi régnait tant dans le coupé que dans l’intérieur.