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Page:Louise Drevet - en diligence de Briançon à Grenoble, 1879.djvu/38

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« — Ah ! la coquine, dit enfin une voix, celle du conducteur, qui était, comme aujourd’hui, Félix F., je la tiens… voilà si longtemps que je la guette. C’était elle qui faisait sentinelle pendant que les autres travaillaient.

« Les jeunes filles étaient pâles, la mère faisait bonne contenance ; les petits garçons, croyant qu’on avait mis la main sur la bande des Quarante voleurs d’Ali-Baba, avaient autant de curiosité que de peur.

« La voiture restant stationnaire, je descendis ; les garçonnets me suivirent, mais se tinrent prudemment dernière moi, prêts à rentrer dans la diligence à la première alerte. Nous vîmes bientôt reparaître le postillon et le conducteur, le premier un filet à la main, le second tenant par la peau du dos une marmotte de toute beauté comme pelage et grosseur.

« — Voyez, Monsieur, me dit Félix, voilà la siffleuse. Il y a un mois que tous les deux jours elle nous fait alerte pareille. Dès qu’elle entend les grelots de la diligence, elle avertit ses camarades qui font leur provision de fourrage ou qui s’ébattent dans la prairie ; à ce signal, tout le troupeau disparaît. Ah le ! beau rôti ! elle est grasse à lard, Monsieur !… et la belle fourrure ! jaune comme de l’or avec des bandes de velours noir…

« Une marmotte qui fait le guet dans une prairie dont ses sœurs fauchent l’herbe pour leur nourriture de l’hiver, j’avais lu cela dans Buffon, mais je n’en croyais pas un traître mot. Il fallait pourtant bien me rendre à l’évidence.