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pas quitté le comptoir un instant l’une ou l’autre, et avons-nous fait autre chose que tricoter nos bas ? Dis-moi combien tu as vendu pendant toute la journée ?

— Moi, rien du tout ; mais toi, tu as réussi à faire acheter à Mme Bonnot, épouse de M. le secrétaire du roi au Parlement, plusieurs aunes de garniture dont elle affirmait pourtant qu’elle n’avait pas le moindre besoin, tandis que tu lui disais fort politiquement qu’une demoiselle de Lacoste ne doit pas regarder à la dépense comme une femme du petit peuple…

— Eh ! ne faut-il pas songer à la layette du poupon qu’elle attend ? Je lui ai prédit que ce serait un garçon, et comme elle a grande envie d’en avoir un pour premier-né, mon pronostic lui a fait oublier que, par le temps qui court, on ne met guère de falbalas aux langes. Puis, va, ne t’inquiète pas sur ce qui pourrait survenir à la boutique en notre absence. J’ai recommandé au père Sing d’avoir l’œil ouvert, et tu sais que, pour rendre service à un voisin, il n’en faut pas chercher d’autre que le sonneur de Saint-André.

— L’œil, un œil ouvert…, je vous promets cela, m’a-t-il répliqué malicieusement, mais pas plus, puisque je suis borgne. N’importe, personne ne passera devant mon échoppe pour entrer chez vous, sans que je le sache et que j’accoure !

— À propos, sœur, ne penses-tu pas que nous ferions bien d’aller prendre en passant la cousine Beissière ? Elle doit tenir le petit sur les fonds baptismaux, et nous ferions avec elle notre première visite à la jacinière.

— Tu as raison, Jappeta. D’ailleurs, nous voici à