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Mais où vont-elles, si affairées, si pressées ?

Écoutons-les. Nous ne pourrons manquer de le savoir.

Eh quoi ! nous ne les comprenons pas ? Ah ! c’est qu’elles s’expriment dans un dialecte qui nous est devenu presque étranger. Elles parlent patois. Avec un peu de bonne volonté, nos oreilles se feront à ce langage, celui de nos pères, celui de nos aïeux, à quelque classe de la société qu’ils appartinssent, et qui avait un si charmant et si libre parfum de terroir.

Une épaisse et chaude douillette les enveloppe ; de bons chaussons les protègent contre les glissades rendues fréquentes par le verglas. Sans paraître appartenir aux plus hautes classes sociales, peut-être même point non plus à la bourgeoisie riche, elles semblent sortir de cette bonne et forte race d’artisans que le travail, un travail patient et obstiné, met dans une sorte d’aisance.

Étant encore jeunes, les deux sœurs n’étaient point trop laides, mais l’on prévoyait que cette beauté ne ferait, comme on dit, qu’un déjeuner de soleil, et qu’elles resteraient trop longues, trop maigres, de vraies crussendele, ainsi que le disait déjà leur voisine, dame Martine Grosbec. Jappeta était un peu bavarde, comme l’indiquait son nom, qui n’était, d’ailleurs, qu’un surnom ; Franquetta avait, pour sa part, la tête bien près du bonnet. En somme, les deux meilleures âmes du monde, unies comme deux doigts d’une même main.

— Nous n’aurions pas dû sortir toutes deux à la fois, disait l’une ; si quelque chaland vient et qu’il trouve la boutique fermée…

— Un chaland ! y penses-tu ? Hier, nous n’avons