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Les compliments et les embrassades recommencèrent auprès de l’accouchée et de son nourrisson. Celle-ci n’était plus une très-jeune femme, et l’enfant dont elle venait d’être mère était son troisième-né, mais son premier garçon. Toute à la joie de voir ses désirs comblés, elle était rayonnante et ne paraissait pas fatiguée par le bruit des conversations établies à son chevet. La chambre était pleine de femmes qui, en venant prendre des nouvelles de sa santé, lui avaient apporté les nouvelles de la ville. Un caquetage bruyant et confus remplissait la pièce où la température s’élevait rapidement, malgré le froid extérieur. C’est là, sans doute, dans quelque coin, que se tenait le poète patois un peu trop libre qui crayonna le Batifel de la Gisen ? Mais quel art il lui fallut pour retenir ce jappetti tapageur !

Nouvelles de la ville et aussi du dehors, les querelles de ménages, les faits et gestes des amoureux, les annonces d’union, les naissances, les décès, les projets des uns, les ambitions des autres, la famine, la guerre, choses gaies, choses tristes, on parlait de tout à la fois avec cette liberté, ce sans-gêne d’expressions et de gestes que se permettaient alors même les plus honnêtes. La morale était peut-être un peu entamée par ces langues en belle humeur ; mais, de nos jours, ne subit-elle pas de plus rudes accrocs ? On médisait du prochain, à charge de revanche, et sans acrimonie aucune ; les bons mots de Féliben se croisant avec les réparties de Pernette, rencontraient les réflexions piquantes de dame Grosbec ou de demoiselle Tricota, et provoquaient dans l’assemblée des éclats de fou-rire qui partaient comme des fusées et faisaient plus de bien à l’accouchée que cent potions ou électuaires.