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Et de fait une fois rentré en possession de son héritage, un pont, un beau pont de pierres, ― sans in-pace, ― remplaça le pont au fond duquel le prisonnier avait failli périr, et un oratoire dédié à l’étoile des mers, sous le nom de Notre―Dame de délivrance, s’éleva sur une des rives de l’Isère. Le pont, démoli depuis, a fait place au beau pont en fil de fer actuel ; le lieu où s’élevait l’oratoire est à peine indiqué aujourd’hui par quelques ruines ; mais devant ces ruines à peine visibles, le marinier de l’Isère debout sur son radeau chargé de bois à construire, ne manque pas de se signer et de se découvrir, et la mémoire de ces faits s’est conservée dans le souvenir des habitants du pays, mais vague et poétique comme une légende.

C’est cette légende que raconta dame Isabeau à demoiselle Yolande qui l’interrogeait sur ce que représentait le curieux tableau de l’église. Vous pouvez penser si, depuis, Mademoiselle Yolande regarda ce tableau avec intérêt. Le noble prisonnier lui inspira une vive sympathie. Le fait merveilleux de sa délivrance, commenté, brodé, embelli par son imagination, fit qu’elle lui donna dans ses rêveries une place considérable. Et pourquoi pareil événement ne se produirait-il pas pour elle ? n'était-elle pas dans une situation presque aussi lamentable ? Pour une belle jeune demoiselle de seize ans, ce coin de pays, où l’on ne parlait qu’industrie et richesse, n’était-il point par le fait une prison ? Oh ! mais elle en sortirait. Oui, tout le lui semblait promettre, elle en sortirait !

Au bout d’un mois, et comme décidément la solitude n’est pas chose agréable, Mademoiselle Yolande, à qui Catherinette avait dit que Madame la manufacturière était un peu souffrante, avertit sa suivante