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seize ans, de son rang et de sa gentillesse, portèrent au comble l’irritation de Mademoiselle Yolande contre ce fâcheux, dont la présence allait troubler sa possession absolue du vieux manoir.

Pourtant, malgré elle, elle était possédée d’une grande curiosité à l’endroit de ce mystérieux marquis. Elle ne doutait pas que sa présence n’amenât quelque changement dans la manière de vivre placide et un peu uniforme de la famille du manufacturier. Pour faire honneur à ce personnage de haute condition et respectable malgré ses excentricités, on inviterait probablement un peu de noblesse ; il y aurait à la Sône de belles réceptions, de grands dîners, des chasses à courre dans les forêts d’alentour. Oh ! tous ces nobles plaisirs après lesquels elle soupirait tant, quoique au château délabré de son père elle n’en eût jamais joui, elle allait donc enfin pouvoir les connaître !

Et le marquis avait des enfants… Ces enfants allaient sans doute arriver un jour ou l’autre, puisque leur père les avait annoncés. Ils voyageaient seuls… C’étaient évidemment des jeunes gens sortis de l’enfance. Quelle contribution d’entrain, de gaîté, leur présence n’allait-elle pas apporter à la Sône ! Comme il lui tardait que tous ces événements si admirablement prévus par sa juvénile sagesse s’accomplissent !

Vraiment, puisque le bonheur rend l’âme bonne, ces pensées, qui étaient de nature joyeuse, mettaient presque Mademoiselle Yolande de belle humeur. Elle pardonnait au marquis Jacques son âge, — soixante et quelques années, il l’avait avoué, — ses allures un peu extraordinaires, et surtout ses distractions. Elle