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dans le sourire rare et pourtant plein d’attrait étrange du mystérieux personnage.

Rien d’extraordinaire cependant ne se passa pendant les premiers jours du séjour de celui-ci au château. Contrairement à l’attente de Mademoiselle Yolande, les enfants du marquis n’étaient pas arrivés. On ne paraissait pas s’en préoccuper dans la famille du manufacturier, car l’on n’en parlait pas, et Mademoiselle Yolande, fidèle à ses habitudes de réserve digne, ne questionnait jamais, même pour apprendre ce qu’elle brûlait de savoir.

Aucun changement ne fut apporté dans les coutumes de la famille. Parfois le marquis Jacques prenait ses repas chez lui ; parfois aussi, et c’était le plus souvent, il s’asseyait à la table du manufacturier. Il ne buvait que de l’eau et mangeait si peu, si peu, que, Mademoiselle Yolande qui se piquait de ne guère becqueter, plus qu’un oiseau, avait un appétit presque féroce au regard du sien. Cette sobriété voulue ou obligée, étonnait la jeune demoiselle. La femme du manufacturier ne commettait pas la maladresse d’insister pour que l’ami de son mari fît plus et mieux honneur à ses repas, et le marquis Jacques paraissait lui savoir gré de sa discrétion.

Il adressait rarement la parole à Mademoiselle Yolande dont il semblait cependant qu’il avait connu le père. Quand il parlait, involontairement, Mademoiselle Yolande ne pouvait s’empêcher d’écouter avec intérêt. Il avait l’air de ne jamais prendre garde à elle ; pourtant il la connaissait très-bien pour l’avoir regardée seulement une fois, car ses yeux étaient de ceux qui dévisagent tout de suite les gens jusqu’au fond de l’âme.