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Le marquis Jacques alla prendre Mademoiselle Yolande par la main.

— Certes, ma charmante enfant, j’ai déjà obtenu en ma vie bien des suffrages, mais aucun ne m’a autant flatté que celui que vient de m’accorder votre jeune inexpérience. Je suis trop heureux de ce qui m’arrive pour ne pas chercher à vous témoigner ma reconnaissance d’une manière digne de vous et de moi. Pour cela je vais me faire un peu moraliste ; c’est la mode aujourd’hui. Ce salon vous représente en petit le monde vers lequel vous portent vos désirs. Plus fortunée que tant d’autres, vous allez, sans courir d’autre risque que celui de perdre plusieurs de vos illusions pour monter à la vérité, reconnaître ce qu’il y a de néant dans tout ce qui vous éblouit. Regardez d’un peu plus près cette femme dédaigneuse qui a laissé tomber votre apostrophe sans y répondre : c’est une poupée de cire, animée par l’art de la mécanique, mais dont l’âme est absente ; approchez-vous de ces musiciens dont les mélodies vous ravissent : ce ne sont autres choses que des mannequins de bois auxquels j’ai travaillé pendant des années pour arriver à leur faire produire, avec la perfection humaine, ces sons que l’on trouve pleins de moëlleux et de douceur… Vous plaît-il de connaître le secret de ces joueurs d’échecs que rien ne peut distraire ? Non, cela vous ennuierait ?

Entraînant ainsi Yolande à travers les groupes impassibles, le cruel marquis, réalisant sans le vouloir la deuxième partie du rêve, lui faisait voir que ces personnages brillants, chefs-d’œuvre d’invention et de patience, n’étaient pas même des fantômes, pas même des ombres ; il l’amena, ou plutôt la ramena, près de la cheminée.