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Catherinette elle-même ne pouvait se lasser de l’admirer, et qu’elle se mit à aimer tout à fait sa jeune maîtresse, sans aucune souvenance de ses mépris d’autrefois.

Quand on parlait à Mademoiselle de Maisonblanche de son voyage, qu’on lui demandait ses impressions, et qu’on la priait de dire ce qui l’avait le plus frappée tant en province qu’à Paris, elle répondait avec malice :

— Comment voulez-vous que je me souvienne et que je raconte tout. J’ai vu tant de marionnettes !

Yolande demanda à Mme Isabeau de vouloir bien lui donner une petite chambre près de la sienne à la manufacture ; elle chercha à seconder de son mieux sa tutrice dans la direction de la maison, prit même de l’intérêt aux détails de l’industrie qui lui avaient paru les plus fastidieux et les plus rebutants.

Elle s’y intéressa bientôt de telle sorte qu’elle ne craignit plus de toucher ce ver, cette chenille, qui lui avait d’abord inspiré tant de dégoût. Elle eut honte de son inactivité, au milieu de cette ruche où chacun travaillait et semblait si heureux par le travail. Elle ne voulut plus ressembler au frelon qui vit du labeur des autres. Tous les bras étaient occupés : les uns cueillaient la feuille ; d’autres soignaient les vers dans les magnaneries ; puis, quand au bout de cinq ou six semaines (car alors la pébrine et la flacherie étaient fléaux inconnus) chaque branche de bruyère était chargée de cocons jaune d’or, on déramait délicatement, et on les portait dans de grandes corbeilles à la manufacture, où commençait le rôle des machines inventées par le marquis Jacques. Mais il fallait d’abord étouffer l’insecte enfermé dans sa prison