Page:Louise drevet - Dauphiné bon coeur, 1876.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 90 —

C’était la veille de la Fête des rois qu’il avait commencé à manifester ses plus grandes rigueurs. Il tombait de la neige et l’Isère charriait des glaçons depuis plusieurs jours ; mais, le matin de la fête, les habitants de Saint-Laurent, de la Perrière et du quartier du Bœuf, cessèrent d’entendre le clapotement des vagues, le bruit du torrent qui roule : les flots s’étaient complètement solidifiés, la rivière était prise. Elle le fut pendant longtemps. Et quand elle reprit son cours, un autre fléau survint : l’inondation.

Aussi, que de misères ! Les plus riches manquèrent de quelque chose. La chronique officielle constate que le roi donna ses pierreries en gage et envoya sa vaisselle à la Monnaie. Louis XIV et Mme de Maintenon, elle-même, en furent réduits, sous ce qu’on était convenu d’appeler « les lambris dorés de Versailles, à manger du pain où la farine d’avoine remplaçait l’habituelle fine fleur de froment.

Et s’il en était ainsi tout en haut, que devait-ce être tout en bas ?

On ne sait… Seuls, les registres paroissiaux de l’époque pourraient constater avec quelle rapidité se poursuivait, grâce au froid, grâce à la faim, grâce à la guerre, la dépopulation de la France.

Ajoutez à cela qu’on était en guerre avec à peu près toutes les puissances, que nos plus belles villes du Nord et de l’Est, Lille, Strasbourg, étaient envahies ; le roi avait beau souhaiter la paix, les Anglais, les Hollandais, les Impériaux ne voulaient la lui vendre qu’à des conditions exorbitantes, et les hostilités continuaient.

Les soldats allaient pieds nus, ne marchant plus,