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hélas ! à la victoire. L’armée, ne recevant aucun subside, se démoralisait et ne vivait qu’en pillant ; les impôts étaient dévorés par avance ; le Trésor, vide, ne trouvait plus à se remplir par l’emprunt, et la France, après avoir été longtemps la législatrice du monde, se voyait abandonnée, méprisée, honnie, même de ceux qui avaient le plus servilement recouru à elle au temps de sa grandeur.

La détresse régnait dans la capitale. La détresse désolait les plus reculées des provinces.

Une des plus éprouvées en ce temps de souffrance universelle fut notre pauvre Dauphiné. Sans cesse menacé par le duc de Savoie, il avait fallu, dès 1708, compléter les fortifications de Grenoble que les remparts de Lesdiguières n’étaient plus suffisants à protéger. Villars y pourvut. La misère atteignait ses limites extrêmes. Aucune expression n’en saurait rendre la profondeur et l’horreur. Dans les villes comme dans les campagnes, l’argent — et encore celui-ci était-il rare — ne suffisait pas à procurer le strict nécessaire. On raconte comme chose digne de mémoire qu’à Paris les riches s’envoyèrent, en guise de présents de jour de l’an, de petits fagots de cotrets ; en province, en Dauphiné surtout, on ne put pas même se faire ces pauvres cadeaux, car la province était beaucoup plus épuisée que Paris.

Le froid, dépassant toutes les limites de rigueur et de durée, en certains endroits, on brûla, pour se chauffer, jusqu’aux arbres des promenades publiques. Dans des provinces plus méridionales encore que la nôtre, le vin gela dans les celliers. Tous les jours, on trouvait morts de froid ou de faim, au bord des routes, quelques-uns de ces mendiants que la charité