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Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/129

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en générations, parce qu’il croyait que les hommes appartiennent à diverses origines nobles ou viles, descendance de Japhet ou de Cham. Les plus grands sages du monde, les éducateurs de l’humanité, Platon, Aristote, etc., justifiaient l’esclavage et démontraient sa légitimité. Les hommes de l’antiquité et même du moyen âge, croyaient que les êtres humains ne sont pas égaux, que les véritables hommes étaient seulement les Perses, seulement les Grecs, seulement les Romains, seulement les Français ; mais nous, nous ne pouvons plus croire cela, et ces hommes qui, à notre époque, se donnent tant de mal pour défendre l’aristocratie et le patriotisme ne peuvent pas croire ce qu’ils disent. On prêche de notre temps non seulement le patriotisme et l’aristocratisme comme il y a deux mille ans, mais encore l’épicurisme le plus grossier, la bestialité, avec cette différence que les hommes qui l’ont prêchée jadis y croyaient, tandis qu’aujourd’hui les prédicateurs ne croient pas à ce qu’ils disent et n’y peuvent croire parce que cela n’a plus de sens. On ne peut plus rester en place quand le sol est en mouvement : si on n’avance pas, on recule.

Le patriotisme a pu être une vertu dans le monde ancien où il exigeait de l’homme un dévouement à l’idéal le plus élevé qui lui fut alors accessible, celui de la patrie. Mais comment le patriotisme pourrait-il être une vertu pour notre époque, alors qu’il réclame précisément le contraire de ce que notre morale nous commande, alors qu’au lieu de nous faire regarder les hommes comme tous frères, il nous fait considérer un État et une Nation comme supé-