Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/163

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lement choisir et déterminer la raison de leur choix[1]. »

Ni l’homme ne peut être libre, si la femme est esclave, ni la femme ne peut être libre, si l’homme est esclave, et ils le sont tous les deux, homme et femme, esclaves de leurs sentiments, formés par les inepties des siècles, esclaves de leurs préjugés, esclaves tous les deux, partout et toujours ! Il ne s’agit pas de l’affranchissement de la femme, il s’agit de la transformation de la vieille institution qui est la cause de tous les maux dont souffre l’humanité tout entière, — mariage ; je ne dis pas, — famille. Car la transformation des bases actuelles du mariage ne supprime pas la famille. Au contraire. On prétend que le mariage transformé amènerait l’abandon des enfants à l’État. Loin de là. Dans la famille future, la mère et l’enfant ne seront pas du tout obligés de se quitter.

Par quels moyens arriverons-nous à construire celte famille ? Par la révolution ? Non. On fait une révolution sociale, économique, on ne fait pas de révolution morale et intellectuelle, elle doit se faire, elle doit venir d’elle-même, autrement elle n’aboutit à rien ou presque à rien. L’esprit s’approprie un fonds de pensées nouvelles, qui restent souvent à l’état de notion, mais qui ne passe pas dans le sang. Est-ce que la révolution de 89 a détruit tous les égarements moraux du moyen âge, tous les préjugés ? Un changement d’État ne change pas les conditions

  1. E. Fourniére. La Famille idéale. Revue socialiste, mars 1898, p. 297.