Un jour, Tolstoï cousit quelques feuilles de papier et il écrivit en tête : Règles de vie. Il voulait dresser la liste des devoirs qu’il aurait à remplir dans sa vie, ainsi que les règles de conduite dont il comptait ne jamais s’écarter. Il divisait même ces devoirs en trois catégories : les devoirs envers lui-même, envers le prochain et envers Dieu. Mais au bout de quelques heures, il déchira ce cahier : il lui fut impossible d’exprimer en paroles ce qui était clair pour lui en pensées.
« Pourquoi est-ce que, se demanda-t-il, tout est si beau et va si bien dans ma tête et que tout est si laid et va si mal sur mon papier et, en général, dans ma vie dès que je veux faire l’application de n’importe laquelle de mes idées[1] ? »
L’Université n’a rien donné à Tolstoï. À l’époque où il fit ses études, l’Université russe menait une existence plutôt médiocre. Les professeurs récitaient des prières avant de commencer leurs cours. Un étudiant mis aux arrêts ne pouvait en sortir qu’après avoir reçu l’absolution de ses péchés. On ne permettait pas aux professeurs, non seulement de parler de la Révolution Française, mais de la Réformation. En 1839 Nikolaï I visita l’université de Kiew et, dans son discours aux étudiants, il exposa nettement ses idées sur l’éducation, idées qui furent religieusement observées par ses successeurs. « Vous étudiez bien, dit-il aux étudiants, mais ce n’est pas cela qu’il me faut ; la science seule n’amène pas de bons résultats ; j’ai besoin de fils fidèles au trône ; j’ai besoin d’un
- ↑ Jeunesse.