Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dévouement sans bornes, d’une soumission qui ne raisonne pas, d’une obéissance absolue ». S’adressant ensuite aux professeurs, l’empereur leur dit : « Et vous, prenez garde. La science peut suivre son cours, mais si vous n’avez pas soin de développer les notions de ma morale chez les étudiants, si vous n’agissez pas sur leurs convictions politiques, j’aurai raison de vous, à ma manière. »

La Russie avait très peu d’hommes de science ; la plupart des professeurs étaient des allemands ; les cours se faisaient en allemand ou en latin. La discipline policière à laquelle l’Université était soumise, ne pouvait pas rehausser aux yeux des étudiants l’autorité des professeurs.

Non, Tolstoï n’a rien emporté de l’Université. Après sa conversion, il s’écriera : « Toute instruction sérieuse s’acquiert seulement par la vie, mais non par l’école[1]. »

Son éveil intérieur avait besoin de temps et de circonstances favorables. Ce qui manquait autour de lui, c’était la vie avec ses souffrances et ses douleurs, c’était aussi un conducteur moral qu’il trouvera plus tard, non parmi les hommes, mais dans la nature, cette éternelle éducatrice des âmes fortes et conscientes.

Les vacances, Tolstoï les passait à la campagne, à Iasnaïa-Poliana. Il allait souvent loin de la maison, à l’abri du soleil, il se mettait à l’ombre et il lisait. De temps à autre, ses yeux quittaient le livre pour contempler le ruisseau et les rayons dorés du soleil

  1. Pensées de Tolstoï, p. 124, pensée 301. Paris, F. Alcan.