disparaissant dans le lointain de la grande forêt ; et il sentait au dedans de lui cette même fraîcheur, cette même jeunesse, cette même intensité de vie, qui respiraient autour de lui, dans toute la nature Souvent, lorsque les nuages gris couvraient le ciel matinal, il s’en allait à travers champs, à travers bois « se mouillant les pieds avec délices dans la rosée fraîche », il rêvait et il devenait meilleur. Quand il lui arrivait dans ces promenades de rencontrer des paysans au travail, bien que le bas peuple n’existât pas pour lui, il éprouvait, invariablement sans s’en rendre compte, un violent embarras et il tâchait de ne pas être aperçu[1].
III
Tolstoï avait dix-neuf ans quand, achevant à peine sa troisième année, il prit la résolution d’abandonner l’Université et de se consacrer à la vie rustique. Dans une lettre de cette époque[2] adressée à sa tante, il dit :
« Je vais me consacrer à la vie rustique, pour laquelle je sens que je suis né. Vous direz que je suis jeune. Peut-être ; mais cela ne m’empêche pas d’avoir conscience du penchant que j’ai à aimer le bien et à désirer le faire. J’ai trouvé ma propriété dans le plus grand désordre. À force de chercher un remède à cette situation, j’ai acquis la certitude que