Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

naient les hommes. Il mena cette vie trois ans pendant lesquels furent écrits : Jeunesse, Rencontre, Deux Hussards.

En 1857, après un court séjour à Iasnaïa-Poliana, Tolstoï partit pour l’étranger.

Il visita la Suisse. Le contact avec la nature l’arracha de nouveau à ses tourments intérieurs. « Une fleur fraîche et odorante semblait s’être épanouie dans mon âme ; à la fatigue, à l’indifférence de toutes choses, qui étaient en moi auparavant, succédaient sans transition apparente, une soif d’amour, un espoir confiant, une joie inexpliquée de me sentir vivre. Que vouloir ? Que dire ? Telle fut la pensée qui se présenta à mon esprit pour en chasser toutes les autres. Que vouloir ? La beauté de la poésie ! Respire-la par grandes effluves, pénètre— 1— en de toutes tes forces, jouis-en. Que veux-tu de plus ? Tout est à toi, tout le bonheur[1]. »

Tolstoï visita ensuite l’Allemagne et la France. La vie européenne affirma d’abord sa foi dans le progrès ; mais la vue d’une exécution capitale, dite « œuvre de justice » pendant son séjour à Paris, suffit à lui montrer la fragilité de sa confiance dans le progrès. Quand il vit la tête se détacher du corps et tomber avec un bruit lugubre dans le fond du panier, il comprit « non par l’esprit, mais par tout son être », qu’aucune théorie de la raison du progrès ne pouvait justifier cette action. « Quand même les hommes voudraient démontrer que ce châtiment est

  1. Le prince Neklioudov.