Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/61

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bien et faisant le mal. Ce qui troublait le plus Tolstoï, c’est que toutes les misères de l’humanité, l’habitude de se juger les uns les autres, de juger les nations et les religions, les guerres et les massacres qui en étaient la conséquence, tout cela se faisait avec l’approbation de l’Église. La doctrine de Jésus qui dit : « Ne jugez pas, soyez humbles, pardonnez les offenses, résignez-vous, aimez » était préconisée par l’Église, en paroles, mais en même temps l’Église approuvait ce qui était incompatible avec cette doctrine. Dès son enfance, on avait enseigné à Tolstoï que Jésus est Dieu et que sa doctrine est divine, mais en même temps on lui apprenait le respect des institutions qui garantissent la sécurité contre le méchant par la violence ; ou lui enseignait à considérer ces institutions comme sacrées. On lui enseignait à juger et à punir. Puis on lui enseignait le métier des armes, c’est-à-dire à résister au méchant par l’homicide ; on appelait l’armée dont il faisait partie : Armée christophile, et on implorait sur elle la bénédiction chrétienne. Depuis son enfance jusqu’à l’âge viril, on lui avait appris à vénérer ce qui est en contradiction flagrante avec la loi de Jésus : riposter à l’agresseur, se venger par la violence pour offenses contre sa personne, sa famille et son peuple. Non seulement on ne blâmait pas cela, mais on l’avait habitué à considérer que tout cela était bien et point contraire à la loi de Jésus. Lui, qui voulait voir la vérité dans l’unité de la Foi et de l’Amour, il fut frappé de voir que l’enseignement de l’Église existante détruit ce qu’il aurait dû faire naître. Et il comprit que la foi de ces gens, la foi du monde auquel il appartenait n’était pas la