Page:Loviot - Les pirates chinois, 1860.djvu/126

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Qui sait ce qui serait arrivé à la première goutte de sang, ne fût-elle tombée que d’une égratignure ?

Cette avalanche humaine vint pourtant à s’éclaircir. Vers le soir de ce même jour, nos matelots, à moitié morts de fatigue, se plaignirent amèrement de la faim. Il nous vint un secours tout à fait inattendu. Parmi ces pirates, il y en avait un qui semblait avoir quelque pitié pour nous, il apparaissait de temps à autre et nous considérait en silence, puis il se plaisait à nous montrer dans l’une des jonques sa femme et ses enfants. Nous prêtâmes involontairement quelque attention aux êtres qui lui étaient chers. Ce pirate, père de famille, voulut alors nous témoigner le plaisir qu’il en ressentait, car, au moment où nous déplorions notre dénûment, il nous apporta du riz et une marmite pleine d’un ragoût arrangé à la mode chinoise ; ce mets était surtout remarquable par une sauce jaune comme du safran. Nos matelots, peu habitués aux douceurs du confortable, s’en régalèrent. Il n’y eut que moi qui y touchai du bout des lèvres ; il me fut impossible d’en avaler deux cuillerées ; je lui trouvais une saveur capable de provoquer les vomissements. Je mangeai un peu de riz pour calmer