Page:Lubimoff - Le Professeur Charcot, étude scientifique et biologique.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 58 —

pendant un des repas auxquels nous avions l’honneur d’assister ensemble. Ils montrent bien que telles étaient au point de vue que nous venons d’indiquer les qualités de l’âme de M. Charcot :

.....La conversation étant tombée sur les chiens, M. Charcot dit : « J’aime en général les animaux ; je suis zoophile, je n’ai jamais pu m’habituer à faire des expériences sur les animaux et je n’en ai point fait comme beaucoup de mes confrères. Vaillant a écrit de ceux qui recueillent des animaux, qui les soignent et les aiment, que ce sont des dégénérés. Il dit que les gens forts étaient forts à la guerre, en combattant, qu’ils tuaient hardiment et ne faisaient point de sentiment ; ceux qui en font sont des dégénérés. Hé bien, je suis de ceux-là. J’ai été et je reste zoophile. Il me revient que quelques grands de ce monde ont été aussi zoophiles. Léonard de Vinci, par exemple, artiste, architecte, ingénieur, était ce qu’on peut appeler un homme fort, et cependant il allait au marché acheter des oiseaux auxquels il rendait la liberté. Voici encore un fort, Shakspeare. Si on le lit avec attention, on trouvera beaucoup de passages où il parle de l’affection pour les animaux et tourne les chasseurs en ridicule. Un homme ayant moins de génie que lui, Victor Hugo, les couvrait aussi de sarcasme. Ce sont tous des zoophiles, et on n’a point honte de se trouver en pareille compagnie. »

Sur une remarque à ce sujet, il reprit d’un ton ferme et décidé : « Il y a dans la vie de nos jours des choses que je ne puis supporter : elles me troublent et je ne cesse d’en parler. L’âme moderne exige une nouvelle manière d’être dans la vie. Cette âme est née, elle a grandi et elle ne pactise pas naturellement avec tout ce qui est reçu et admis, ce qui est entré dans les mœurs et ce qu’approuve une mode inepte. Qu’y a-t-il de plus barbare que la chasse ? Les femmes l’ont adoptée. Représentez-vous ces belles dames, ces âmes si tendres qui caressent un cerf apprivoisé, lui donnent à manger du pain de leurs propres mains, qui l’embrassent et puis, saisissant un fusil, traquent le pauvre animal, et le tuent ; on porte son corps devant elles comme un trophée, et elles se glorifient de l’assassinat commis par elles. C’est une lâche trahison,