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LUCAIN.


les beaux-pères et les gendres en se jetant au milieu d’eux. Mais ta mort a dégagé leur foi : il leur est permis de commencer la guerre, et l’ambition jalouse les aiguillonne. Tu crains, Pompée, que des exploits nouveaux n’effacent tes triomphes d’autrefois, et que tes victoires sur les pirates ne disparaissent devant la conquête des Gaules : toi, César, une longue habitude de vaincre enfle ton cœur ; ta fortune s’indigne du second rang. César ne veut plus de maître ; Pompée, plus d’égal. Quelle armée défend la plus juste cause ? on ne peut le dire sans crime : chacun s’autorise d’un imposant suffrage ; les dieux ont été pour la cause du vainqueur, mais Galon pour celle du vaincu.

Les forces ne sont pas égales. Pompée, dont l’âge touche à la vieillesse, longtemps paisible sous la toge, a perdu dans la paix les souvenirs du général ; ambitieux de renommée, il ne sait plus que prodiguer des fêtes à la multitude, que se laisser aller au souille populaire, que s’enivrer des applaudissements de son théâtre ; il ne s’inquiète pas de renouveler ses forces, et se confie trop à son ancienne fortune. Ce n’est plus que l’ombre d’un grand nom. Tel est, dans un champ fertile, un chêne majestueux qui porte les trophées antiques du peuple et les offrandes consacrées des chefs : de fortes racines ne rattachent plus à la terre ; son poids seul le maintient : il étend dans les airs ses rameaux dépouillés, et fait ombre de son tronc sans feuillage. Bien qu’il chancelle et menace ruine au premier souffle de l’Eurus, bien qu’alentour s’élève une forêt d’arbres robustes et solides, seul pourtant on l’adore. César n’a pas un si grand nom, une pareille gloire ; mais sa vaillance ne sait rester en place ; mais il ne rougit que de ne pas vaincre. Ardent, indomptable, il porte le glaive partout où l’appellent l’ambition et la vengeance ; jamais il ne s’épargne d’ensanglanter le fer. Altérée de succès nouveaux, son ardeur insatiable persécute la fortune ; il renverse tout obstacle à son ambition de grandeurs, heureux de se faire un chemin avec des ruines. Ainsi, comprimée par les vents et déchirant la nue, la foudre retentit dans l’éther ébranlé, gronde, s’allume, sillonne le jour et fait trembler les nations épouvantées, éblouissant les yeux de ses flammes obliques : elle se déchaîne sur les temples de son dieu ; rien ne peut arrêter sa course ; elle frappe en tombant, elle frappe en remontant, laisse partout de vastes ruines, et puis rassemble ses feux épars.

Tels sont les mobiles des chefs ; mais dans la cité sont des fermens de discorde qui toujours ont fait le naufrage des peuples puissants. Car aussitôt que la Fortune eut importé dans Kome les somptueuses superfluités du monde vaincu, les mœurs s’exilèrent devant la prospérité, et les dépouilles ravies par la conquête invitèrent au luxe. Partout l’or-, partout de vastes édifices : les appétits blasés méprisent la ta-