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Page:Lucien - Œuvres complètes, trad. Talbot, tome I, 1866.djvu/23

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XI
INTRODUCTION ET NOTICE.
tassent je ne sais quels discours amers, ne songent qu’à rédiger des insolences, censurent et invectivent contre tout ce qui est autour d’eux. Chez eux, la parole est accordée au plus braillard, au plus impudent, au plus éhonté dans ses outrages. »

Voilà quels étaient du temps de Lucien les maîtres du peuple, les propagateurs de l’instruction morale et religieuse ! N’était-ce pas rendre service à la société que de les flétrir d’un stigmate public, et ne doit-on pas excuser Lucien d’avoir enveloppé parfois la véritable philosophie dans la proscription dont il frappait l’hypocrisie et l’impudence ?

Mais ce n’était point assez de cette tourbe effrontée qui décriait et avilissait l’esprit humain. Une phalange audacieuse de, magiciens, de devins, de sorciers, de joueurs de gobelets, de tireurs d’horoscope, de diseurs de bonne aventure, de fabricants d’onguents, d’oracles, de talismans et d’amulettes, exploitait la foule toujours avide du merveilleux et du surnaturel, et d’autant plus crédule que la ruse est plus grossière. De toutes parts, on s’empressait autour de ces thaumaturges, auxquels on prodiguait l’admiration, l’argent et les honneurs divins. Lucien, fidèle à son rôle, ne manque pas de démasquer ces fourbes sans vergogne et sans mœurs, ces menteurs effrontés, dont il a retracé le type dans la vie d’Alexandre d’Abonotichos, et de railler avec son bon sens ordinaire leurs pratiques superstitieuses et leurs scandales privés dans le Menteur, dans Lucius et dans le traité Sur la déesse syrienne.

Grâce aux liens étroits qui, chez les anciens, unissaient la philosophie à la religion, on ne peut guère séparer dans Lucien les doctrines philosophiques des croyances païennes. Là, je l’avoue, son scepticisme est radical et complet. Moqueur impitoyable, il a tout l’entrain bouffon, toute la verve sarcastique d’Aristophane ; et personne, après l’auteur des Nuées, de la Paix et des Grenouilles, n’a versé plus de ridicule sur toutes ces légendes mythologiques, que Cicéron traitait de contes de bonnes femmes et que réprouve la plus simple raison. Pas une divinité n’est épargnée : toutes passent sous le fouet de sa gaieté irrévérencieuse. Véritablement athée, au