cours pleins de fautes et de barbarismes, quoique arrangés avec art dans l’intention de me persuader : mais je ne me les rappelle plus : car beaucoup de choses me sont sorties de la mémoire ! Lors donc qu’elle eut cessé de parler, l’autre commença à peu près en ces mots :
[9] « Moi, mon fils, je suis la Science, qui te suis déjà familière et connue, bien que tu ne m’aies pas encore éprouvée tout entière. Les avantages dont tu jouiras, si tu te fais sculpteur, cette femme te les a énumérés ; mais tu ne seras qu’un manœuvre, te fatiguant le corps, d’où dépendra toute l’espérance de ta vie, voué à l’obscurité, ne recevant qu’un salaire vil et modique, l’esprit flétri, isolé de tous, incapable de défendre tes amis, d’imposer à tes ennemis, ou de faire envie à tes concitoyens, mais n’étant absolument qu’un ouvrier, un homme perdu dans la foule, à genoux devant les grands, humble serviteur de ceux qui ont de l’éloquence, vivant comme un lièvre, et destiné à être la proie du plus fort. Quand tu serais un Phidias, un Polyclète, quand tu ferais mille chefs-d’œuvre, c’est ton art que chacun louera ; et parmi ceux qui les verront, il n’y en a pas un seul, s’il a le sens commun, qui désire te ressembler, car, quelque habile que tu sois, tu passeras toujours pour un artisan, un vil ouvrier, un homme qui vit du travail de ses mains.
[10] « Si, au contraire, tu veux m’écouter, je te ferai connaître les œuvres nombreuses des anciens, leurs actions admirables ; je t’expliquerai leurs écrits et te rendrai habile dans toutes les connaissances. Ton âme, la plus noble partie de toi-même, je l’ornerai des vertus les plus belles, sagesse, justice, piété, douceur, bienveillance, intelligence, patience, amour du beau, goût des études sérieuses ; car telle est réellement la parure incorruptible de l’âme. Tu n’ignoreras rien de ce qui se fit autrefois, rien de ce qu’il faut faire à présent ; que dis-je ? je te révélerai l’avenir ; en un mot, je te ferai connaître, avant peu, tout ce qui existe, choses divines et humaines.
[11] « Celui qui maintenant est pauvre, fils d’un homme inconnu, qui délibère encore s’il embrassera un état ignoble, sera bientôt pour tous un objet d’envie et de jalousie, comblé d’honneurs et de louanges, illustre parmi les plus glorieux, remarquable entre ceux qui se distinguent par leur naissance ou leur richesse, revêtu d’habits comme celui-ci (elle me montra le sien, qui était magnifique), digne enfin du premier rang et de la première place. Si tu voyages, tu ne seras nulle part étranger ni inconnu : je te marquerai d’un signe tellement