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DÉMONAX.

demanda quel il était pou bafouer ainsi sa méthode : « Un homme, répondit Démonax, dont les oreilles ne se laissent pas facilement séduire. » Le sophiste insista : « Mais quelles étaient, Démonax, tes provisions, quand tu t’es mis à philosopher dès l’enfance ? — Ma virilité. »

13. Une autre fois, le même Phavorinus s’approchant de Démonax et lui demandant quelle était la secte à laquelle il donnait la préférence « Qui t’a dit, répondit-il, que je sois philosophe ? » Et comme il se retirait en riant de bon cœur, Phavorinus lui demanda ce qu’il avait à rire : « Je trouve fort plaisant, lui dit-il, que tu veuilles distinguer les philosophes à la barbe, toi qui n’en as pas. »

14. Le sophiste Sidonius[1], qui s’était acquis quelque réputation dans Athènes, prononçait un discours où il se donnait des louanges outrées, et se vantait d’avoir exploré toute la philosophie. Mais il vaut mieux rappeler ses propres paroles : « Si Aristote m’appelle au Lycée, je le suivrai ; si Platon me demande à l’Académie, j’irai ; si Zénon veut que je demeure au Pœcilé, j’y resterai ; si Pythagore m’appelle, je garderai le silence. » Démonax, se levant aussitôt du milieu de l’assemblée : « Hé r l’ami, dit-il en le désignant par son nom, Pythagore t’appelle. »

15. Un certain Python, beau jeune homme, fils d’un Macédonien de distinction, ayant voulu s’égayer aux dépens de Démonax, en lui proposant un argument sophistique et en lui demandant la solution de son syllogisme : « Je sais bien une chose, mon garçon, dit le philosophe, c’est que tu te prêtes à un autre genre de solution. » L’autre, irrité de cette raillerie à double sens, le menaça en disant : « Je vais te faire voir un homme. — Tu en as donc un ? » repartit en riant Démonax.

16. Un athlète, vainqueur aux jeux olympiques, ayant été tourné en ridicule par notre philosophe, pour s’être montré en public avec une robe brodée de fleurs, le frappa à la tête d’une pierre, qui fit jaillir le sang. Les assistants sont indignés : chacun se croit blessé lui-même ; on crie qu’il faut se rendre chez le préteur : « Ce n’est pas chez le préteur qu’il faut aller, mes amis, s’écrie Démonax, mais chez le médecin. »

17. Il avait trouvé, en se promenant, un anneau d’or. Il fait afficher sur l’agora que le possesseur de l’anneau perdu n’avait qu’à se présenter et qu’il lui remettrait, s’il désignait le poids, la pierre et l’empreinte du bijou. Un jeune garçon, de jolie figure, vient le réclamer, en disant que c’est lui qui a perdu l’an-

  1. Il n’en est question nulle part ailleurs.