La Justice. Neuf juges.
[14] Mercure. Veux-tu, Justice, que nous appelions aussi les deux procès intentés dernièrement contre le rhéteur ?
La Justice. Vidons d’abord les anciens ; demain on jugera les autres.
Mercure. Mais ces causes sont semblables, et l’accusation, quoique nouvelle, a beaucoup de rapport avec celles que nous avons déjà appelées : il est donc juste que cette affaire soit jugée en même temps.
La Justice. Il me semble, Mercure, que tu veux faire quelque passe-droit. Allons, puisque tu le veux, tirons encore ces deux causes, mais ce seront les seules : nous en avons assez. Donne-moi les assignations.
Mercure. La Rhétorique contre le Syrien[1] pour mauvais traitements. Le Dialogue contre le même, pour injures.
La Justice. Quel est cet homme ? Son nom n’est point écrit.
Mercure. Tire toujours pour le rhéteur de Syrie. Le défaut de nom ne fait rien à l’affaire.
La Justice. Comment ! Nous jugerons à Athènes, dans l’Aréopage, des causes ultramontaines, qui auraient dû être jugées au-delà de l’Euphrate ! Tire pourtant onze juges pour chacune des deux affaires.
Mercure. Très bien, Justice ; tu es économe, afin de ne pas multiplier les frais de procédure.
[15] La Justice. En séance d’abord ceux qui doivent juger l’Ivresse et l’Académie. Toi, verse l’eau. Ivresse, parle la première. Pourquoi ne dit-elle rien et penche-t-elle la tête ? Va donc, Mercure, savoir ce qu’elle a.
Mercure. « Je ne puis pas, dit-elle, plaider ma cause. Ma langue est enchaînée par le vin pur que j’ai bu. Je ne veux pas prêter à rire au tribunal. Je me soutiens à peine, comme tu vois. »
La Justice. Eh bien ! qu’elle trouve un avocat parmi les forts parleurs, il n’en manque pas qui sont tout prêts à se crever pour un triobole.
Mercure. Il est vrai ; mais personne ne voudra parler ouvertement pour l’Ivresse. Et cependant sa demande ne paraît pas mal fondée.
La Justice. Qu’est-ce donc ?
Mercure. L’Académie est toujours prête à parler pour et contre. Elle s’exerce à soutenir également deux sentiments op-
- ↑ Lucien lui-même.