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LA DOUBLE ACCUSATION

que Jupiter ait statué sur celle de Dionysius. Tout porte à croire que ce sera bientôt. Si la Volupté gagne, la Mollesse aura Aristippe ; si c’est le Portique, Aristippe appartiendra à la Vertu. Qu’on en introduise d’autres. Holà ! qu’on ne paye pas d’honoraires aux juges, la cause n’a pas été jugée.

Mercure. Les vieillards seront donc montés ici gratis ? La côte est rude pour leur âge.

La Justice. C’est assez de leur payer le tiers. Allez-vous-en, et ne murmurez pas, vous jugerez une autre fois.

[24] Mercure. Diogène de Sinope, c’est à toi de comparaître ; et toi, Banque, tu as la parole.

Diogène. Si elle ne cesse de me tarabuster, Justice, ce n’est pas de banqueroute qu’elle m’accusera, mais de nombreuses et profondes blessures, car je vais tout à l’heure la rosser avec mon bâton.

La Justice. Qu’est-ce donc ? La Banque prend la fuite : il la poursuit le bâton levé. La malheureuse va recevoir probablement quelque bon coup. Appelle Pyrrhon.

[25] Mercure. La Peinture seule se présente, Justice : Pyrrhon ne s’est pas rendu à la sommation : il était probable qu’il agirait ainsi.

La Justice. Pourquoi, Mercure ?

Mercure. Parce qu’il n’admet aucune certitude dans les jugements.

La Justice. Cela étant, je le condamne par défaut. Appelle à présent le prosateur syrien. Il est vrai que les accusations déposées contre lui n’ont été remises que depuis hier, et rien ne pressait encore le jugement ; mais enfin, puisque c’est une chose décidée, appelle d’abord la cause de la Rhétorique. Grand dieu ! quelle affluence d’auditeurs !

Mercure. C’est tout naturel, Justice. Nous n’avons pas là une affaire ressassée, mais neuve et singulière, et, comme tu dis, toute fraîche d’hier. L’espérance d’entendre la Rhétorique et le Dialogue, se portant successivement comme accusateurs, et le Syrien défendant sa cause contre ses deux adversaires, attire la foule au tribunal. Allons, Rhétorique, commence ton plaidoyer.

[26] La Rhétorique. En commençant ce discours, Athéniens[1], je prierai tous les dieux et toutes les déesses de faire que la bienveillance constante, dont je n’ai cessé de donner la preuve envers la république et envers vous tous, me soit accordée par vous-mêmes durant le cours de ce débat. Ensuite je

  1. Commencement du Discours pour la couronne de Démosthène.