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LA FIN DE RABEVEL

Habitué aux abstraites leçons des écoles parisiennes, le petit Marc avait senti tout de suite combien Olivier le dépassait dans la connaissance réelle des choses. Les parents les faisaient parler tous trois, avides de saisir à leur éclosion les divergences, les prémisses et les espérances de ces jeunes esprits. Olivier l’emportait de beaucoup par une sorte de rayonnement divinateur, un sens évident de la nature des êtres et une capacité de tout comprendre et de tout embrasser.

— Il te ressemblerait, dit doucement Noë à Bernard, s’il n’était pas bon.

— Oui, répondit celui-ci en riant, c’est sa tare.

Marc attentif et solide, d’un caractère plus assis, promettait de maintenir les grandes choses qu’Olivier pourrait créer si ses penchants ne contrariaient pas son intelligence. Le petit Jean de quelques mois plus jeune semblait leur cadet de cinq ans. La bouche de Reine se crispa ; elle crut qu’elle allait pleurer ; elle regarda son mari. Mais celui-ci ne paraissait pas le moins du monde humilié ; il contemplait et écoutait Olivier avec une admiration non dissimulée et sans paraître ruminer d’arrière-pensées.

— Il faudrait nous le laisser ce petit, finit-il par dire ; il tiendrait bien compagnie à Jean et à Marc. Jean gagnerait beaucoup à leur fréquentation. J’ai bien envie de vous le confisquer, Angèle, qu’en dites-vous ?

Elle le regarda avec inquiétude : si cette idée s’ancrait en lui maintenant, quelles luttes en perspective contre une