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LIVRE DEUXIÈME

Sans heure ou lieu fixé, tout notre corps décline
Où le porte l’esprit. En nous est l’origine
Du mouvement, et c’est de notre volonté
Qu’en nos membres émus coule l’activité.
Vois les coursiers, à l’heure où s’ouvre la barrière,
Ne pouvoir assez tôt bondir dans la carrière
Au gré du fier désir qui bout sous leur poitrail.
Il faut du temps ; il faut que, par un sourd travail
Sur tous les points du corps mise en jeu toute entière,
Aux ordres de l’esprit réponde la matière.
C’est du cœur que tout part ; et cette impulsion
280Qui va de membre en membre infiltrer l’action,
Notre volonté même en est la source intime.
Autre est le mouvement quand un choc nous l’imprime.
Par la force ébranlés, sous l’assaut du dehors
Nous sentons malgré nous frémir tout notre corps,
Tant que la volonté n’en reprend pas l’empire.
Et lorsque sous l’assaut notre révolte expire,
Quand nous roulons, poussés par l’obstacle vainqueur,
Éperdus, c’est alors qu’au fond de notre cœur
Quelque chose proteste et se roidit et lutte,
Qui, parfois détournant ou retardant la chute,
Maîtrise enfin le corps en sa course arrêté.
Ce frein de nos transports, c’est notre volonté.

Donc, ou ce libre effort est un effet sans cause,
Ou, tu dois l’avouer, ce mouvement suppose
Une force qui n’est ni le choc ni le poids,
Et dont, comme nos corps, l’atome suit les lois.