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DE LA NATURE DES CHOSES

Au reste, il n’est point d’être unique en l’univers
Qui grandisse isolé sans famille et sans pairs.
Tous relèvent d’un genre et tous ont des semblables :
Regarde les vivants, ces bêtes innombrables,
Qui hantent les forêts et les monts, ces oiseaux,
Ces poissons écailleux, peuples muets des eaux,
L’homme enfin : chaque espèce a sa marque commune.
Ainsi, loin d’être seuls, il faut bien que la lune
Et le soleil, la terre et la mer et le ciel
1100Soient en nombre infini dans l’ordre universel.
En eux l’individu, comme l’espèce entière,
Marqué du sceau profond qu’imprime la matière
À tous les corps vivants dont elle est le support,
Soumis à la naissance est sujet à la mort.
Au temps où se formaient le ciel, la terre et l’onde,
Quand le premier soleil eut lui sur notre monde,
Autour de notre sphère afflua du dehors,
Du grand tout émanée, une foule de corps,
D’atomes suspendus, de quoi nourrir la terre
Et les eaux, soutenir la voûte planétaire
Et sur nos fronts dresser les palais du ciel bleu.
Les chocs, distribuant chaque chose en son lieu,
Poussent les éléments où leur loi les réclame,
Les terrestres au sol, les ignés à la flamme,
Les fluides à l’air, les humides à l’eau,
Jusqu’à ce que tout corps ait atteint le niveau
Qu’il ne dépasse pas, le terme et la mesure
Qu’aux formes qu’elle crée a fixés la Nature ;
Jusqu’à cette heure enfin où le tissu vital,
1120Gagnant moins qu’il ne perd, marche au déclin fatal,