Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
XII
PRÉFACE

La force de la doctrine et le génie de son interprète n’ont jamais été sérieusement contestés par les hommes qui cherchent à savoir et à penser par eux-mêmes. On peut dire que le naturalisme d’Épicure et la morale stoïcienne se sont partagé l’empire des esprits et le possèdent encore, mais en commun désormais. Déjà Cicéron, en discutant avec agrément, souvent à faux toutefois, les deux conceptions, en essayant de les battre l’une par l’autre, en les opposant comme inconciliables, ce en quoi il errait grandement, n’a fait qu’en constater la puissance. Lui-même, qui penchait pour le scepticisme moyen de l’Académie, il ne croyait pas plus aux dieux et au surnaturel que Lucrèce ou Caton ; bien plus, il pratiquait tour à tour la morale d’Atticus et celle du Portique. Quant à l’auteur du De Natura, un lettré comme lui ne pouvait que l’admirer : « Les poëmes de Lucrèce, écrivait-il à son frère Quintus, sont bien tels que tu les juges : le génie partout y éclate et l’art s’y cache » .

« Presque tous les poëtes venus depuis, dit M. Martha, déposent un hommage aux pieds de Lucrèce. S’ils n’osent prononcer son nom, ils lui apportent le tribut de leur reconnaissance discrète et presque clandestine… Ils veulent le suivre, ils ne peuvent, et déclarent ingénument leur impuissance. Faute de pouvoir l’imiter, ils s’inclinent devant lui » .

Le jeune auteur inconnu du petit poëme intitulé Ciris, se faisant « l’interprète de l’admiration contemporaine », s’écrie en ses rêves de gloire : « Ma muse… s’élance d’un essor hardi vers les astres du