En un ciel inconnu notre ciel est changé.
Partout en un moment le virus propagé
Fond sur les eaux, s’abat sur les biens de la terre ;
Tout ce qui nourrit l’homme et les troupeaux s’altère.
S’il s’échappe dans l’air, l’air même nous le rend :
Le mélange nous baigne, et, rien qu’en respirant,
Force est d’en absorber les ondes purulentes.
C’est ainsi que les bœufs et les tribus bêlantes
Souvent sont décimés par des contagions.
Il importe donc peu que de ciel nous changions,
Nous transportant nous-même en des milieux perfides,
Ou qu’un manteau flottant de vapeurs homicides,
Un air nouveau pour nous, hôte pernicieux,
D’une irruption brusque infecte au loin nos cieux.
Tel jadis, emplissant d’épouvante les plaines
Et les chemins déserts, s’abattit sur Athènes
Un tourbillon de mort, sombre calamité,
Fléau qui d’habitants épuisa la cité.
Née au fond de l’Égypte, à travers l’étendue
Des cieux, des vastes mers, la peste descendue,
Vint se fixer aux murs de Pandion ; et tous,
Tous, par milliers frappés, succombaient sous ses coups.
D’abord un feu cuisant s’allume sous le crâne,
Puis un éclat diffus des yeux rougis émane ;
D’ulcères obstrués, les canaux de la voix
Se ferment ; un sang noir inonde leurs parois ;
Le flux gagne la langue, interprète de l’âme,
Qui, raide, appesantie, âpre au toucher, s’enflamme
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DE LA NATURE DES CHOSES